CEPAGES

 

"Celui qui boit de ce vin jusqu'à l'âge de cent ans, est sûr de devenir vieux !"

Jean, dans les vignes de Marin

 

Un cépage est une variété de plant de vigne, ou raisin. Tel cépage déterminé constitue l'une des composantes d'un terroir viticole.

La vigne à vin appartient à la famille botanique des Ampélidacées. Des dix genres qu'elle comprend seul Vitis importe pour le vin.
De Vitis sont issus deux sous-genres : Muscadinia et Euvitis qui comprend 36 espèces dont une seule, donne tous les meilleurs vins du monde, elle fut nommée Vitis vinifera par le naturaliste Carl von Linné au XVIIIe siècle.

Les cépages destinés au vin sont presque exclusivement à jus blanc : ceux à peau blanche donnent des vins blancs, ceux à peau noire donnent sans macération des vins blancs, avec macération des vins rouges ou rosés.

Dans l'Antiquité, Pline l'Ancien avait identifié 91 cépages différents et estimait leur nombre à plus de 400. Combien existe-t-il aujourd'hui de cépages dans le monde ? Tous les chiffres entre 3000 et 10000 ont déjà été donnés. Il semble cependant que l'on ait recensé sérieusement entre 8000 et 10000 cépages (dotés de plus de 40000 appellations locales), dont seulement quelques centaines sont aptes à la cuve.

En 1802, Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul, décidait de la création d'une pépinière dans le jardin du Luxembourg, celle-ci devait recenser toutes les vignes existant en France. Les rapports envoyés aux Préfets par les Maires des villes et villages nous informent que l'on cultivait alors en Savoie (département du Mont-Blanc), une trentaine de cépages pour les blancs et une quarantaine pour les rouges.
Aujourd'hui le vignoble français compte à peu près 250 cépages différents, les vins de Savoie (et les vins d'Allobrogie) sont issus de 23 cépages (22 crus) ce qui est exceptionnel compte tenu de la taille modeste du vignoble.


Pour identifier et reconnaître les différents cépages on fait appel à une méthode de description très précise. Depuis 1951 les observations se font à l'aide de codes normalisés mis au point progressivement par l'Office International de la Vigne et du Vin, l'Union Internationale pour la Protection des Obtentions végétales, et l'International Plant Genetic Resources Institute.Cette méthode fait appel à l'observation de 88 descripteurs morphologiques purement ampélographiques qui concernent 8 organes pour 4 groupes de caractères.

Caractère
Villosité
Couleur
Forme, taille
Texture, aspect,
consistance, saveur
TOTAL
Bourgeonnement
Jeunes feuilles
Rameau herbacé
Inflorescence
Feuille adulte
Grappe
Baie
Sarment
2
4
4
-
8
-
-
2
2
1
5
-
4
4
4
1

1
-
4
3
14
4
7
3

-
-
-
-
4
2
8
1

5
5
13
3
30
6
19
7
TOTAL
20
17
36
15
88

LES DESCRIPTEURS MORPHOLOGIQUES DE LA VIGNE

"Les informations les plus utiles à la reconnaissance des cépages sont contenues dans la morphologie des feuilles adultes, des jeunes feuilles et du bourgeonnement. La variabilité des grappes et des baies, utilisée historiquement par les premiers auteurs s'avère insuffisante pour distinguer les cépages. Un descripteur est en effet d'autant plus pertinent qu'il est variable entre plusieurs cépages et qu'il est peu fluctuant au sein même du cépage cultivé dans différentes conditions.
Des mesures quantitatives, dites "ampélométriques", réalisées sur des feuilles d'herbier séchées, complètent la description classique : longueur des nervures, angles entre nervures, profondeur des sinus, forme des dents et calculs de plusieurs rapports.
Les descriptions doivent se faire sur des plantes adultes et saines. Celles portant sur le rameau et son extrémité, les jeunes feuilles et l'inflorescence se réalisent au printemps (mai, juin). La feuille adulte est observée préférentiellement en juillet, les grappes et les baies en septembre-octobre, et les sarments pendant l'hiver.
Le regroupement des variétés à décrire au sein d'une même collection est nécessaire pour que les comparaisons et les identifications soient fiables.
"
Doc. I.N.R.A, Ecole Nationale Supérieure Agronomique.


Depuis peu, l'analyse du séquençage ADN de la vigne bouleverse nombre d'idées reçues quant aux origines de tel ou tel cépage et aux parentés existant entre eux. Nous attendons avec une grande impatience la publication des travaux du Dr José Vouillamoz sur l'ADN des cépages des Alpes (Savoie, Val d'Aoste, Valais). Son intervention lors de l'Assemblée Générale du Centre d'Ampélographie Alpine a beaucoup étonné le grand Pierre Galet maître de l'ampélographie française.

Comment fonctionne l'identification génétique des cépages?

"Si l'ampélographe étudie l'aspect extérieur, le biologiste moléculaire observe ce qui se trouve à l'intérieur de la plante : l'ADN. Celle-ci encode toute l'information génétique de l'organisme à l'aide de ses composants, les acides nucléiques. L'analyse consiste à prélever de l'ADN sur de très jeunes feuilles, d'une longueur de un à deux centimètres.
Chaque variété, ou cépage, possède une carte d'identité moléculaire. C'est une sorte d'empreinte digitale. Un procédé qu'on appelle électrophorèse permet de révéler ce code génétique unique : on sélectionne les fragments d'ADN, en les plongeant dans un gel d'agarose et en les soumettant à un courant électrique qui les fait migrer. Comme avec la terre dans un tamis, la séparation de l'ADN se fait selon un critère de taille. Plus le fragment d'ADN est gros, moins il avance dans le gel ; plus il est petit, plus il progresse. Toutefois, on ne voit rien à l'œil nu. Après une coloration, c'est la lumière ultraviolette qui révèle la position des fragments d'ADN dans le gel, où ils sont espacés selon leur longueur, ce qui donne un genre de code à barres."

Doc tiré du site Liens du vin, les cépages mis en fiche

"Une méthode d'analyse génétique spéciale faisant appel aux microsatellites a été perfectionnée à l'Agroscope FAW Wädenswil pour l'identification sûre et précise des cépages. Elle permet d'identifier les cépages en peu de temps sans l'aide d'un spécialiste. La banque de données en résultant contient en plus des cépages courants de nombreux cépages suisses typiques et anciens. Les données se basent sur la caractérisation aux six points de marquage recommandés par un groupe du projet UE GenRes 081 (European Vitis Database). Elles peuvent être comparées avec les données d'autres instituts à l'aide d'un codage international. Grâce à la nouvelle méthode beaucoup plus rapide et qui permet des comparaisons bien plus étendues, il a été possible, entre temps, d'identifier plusieurs cépages inconnus, de rectifier des erreurs de nomenclature et d'établir des nouveaux profils variétaux typiques. Ainsi, des noms de cépages que l'on croyait synonymes (Brigler, Hitzkircher) ont pu être attribués sans l'ombre d'un doute à deux profils génétiques différents. Inversement, des cépages que l'on pensait différents se sont avérés identiques. Il est prévu de rendre la banque de données accessible librement sur internet à l'avenir, afin de faciliter les comparaisons internationales."
Doc tiré du site de la Station de recherche Agroscope Changins-Wädenswil en Suisse.

Et le meilleur reste à venir car la vigne (comme les autres plantes) conserve en elle une horloge moléculaire que l'on commence à décrypter et qui nous donnera l'époque à laquelle le cépage s'est créé.

"Ne peuvent être plantées, replantées et greffées que les variétés recommandées et des variétés autorisées" (art. 13 du règlement CEE n°822/87).

Appellation régionale " Vin de Savoie " :
- Vins rouges ou rosés :
Gamay, Mondeuse, Pinot noir et pour le département de la Savoie : Persan, Cabernet franc, Cabernet sauvignon.
- Vins blancs :
Aligoté , Altesse, Jacquère , Chardonnay, Velteliner rouge précoce, Mondeuse blanche et dans le département de la Haute-Savoie : Gringet , Roussette d'Ayze , Chasselas.

L'appellation régionale "Roussette de Savoie" nécessite l'emploi exclusif d'Altesse.

Appellation "Vin de Savoie" suivie d'un nom de cru (vins tranquilles) Abymes, Apremont, Chautagne, Chignin, Cruet, Jongieux, Montmélian, Saint-Jean-de-la-Porte, Saint-Jeoire-Prieuré : même encépagement que les vins de Savoie.
La Mondeuse est employée exclusivement pour le cru Arbin.
Pour le Chignin-Bergeron : Roussanne exclusivement.
Pour les crus Marignan, Ripaille, Marin : Chasselas exclusivement.

Appellation "Vin de Savoie" (vins mousseux ou pétillants) :
En vin blanc ou en vin rosé, l'ensemble des cépages blancs de l'appellation " Vin de Savoie " sont autorisés ainsi que le Gamay, le Pinot noir, la Mondeuse, et pour le département de la Haute-Savoie la Molette .

Appellation "Vin de Savoie" suivie du nom de cru Ayze (vins mousseux ou pétillants et vins tranquilles) :
Sont utilisés le Gringet, l'Altesse et la Roussette d'Ayze.
La proportion de Roussette d'Ayze dans l'encépagement de chaque exploitation ne doit pas dépasser 30 %.

Pour avoir droit à la dénomination "Vin de pays d'Allobrogie", les vins doivent provenir des cépages suivants à l'exclusion de tous autres :
- Dans le département de la Savoie les cépages principaux : Aligoté, Altesse, Gamay, Jacquère, Mondeuse, Pinot gris, Pinot noir, Velteliner rouge précoce, Chardonnay, Persan, Roussanne, Cabernet franc, Cabernet sauvignon, Merlot et Mondeuse blanche. Cépages secondaires: Gamay teinturier de Bouze, Gamay teinturier de Chaudenay, ces cépages ne pouvant représenter plus de 30 % de l'encépagement des parcelles produisant ces vins.
- En Haute-Savoie : cépages principaux : Aligoté, Altesse, Gamay, Jacquère, Mondeuse, Pinot gris, Pinot noir, Velteliner rouge précoce, Chardonnay, Chasselas, Gringet, Roussette d'Ayze, Molette et Mondeuse blanche.
Cépages secondaires : Gamay teinturier de Bouze, Gamay teinturier de Chaudenay, ces cépages ne pouvant représenter plus de 30 % de l'encépagement des parcelles produisant ces vins.

Les illustrations représentant les feuilles des différents cépages sont des créations VdS à partir des dessins de P. Gallet.


Vitis Allobrogica

"Allobrogica frigidis locis gelu maturescens et colore nigra".

Ce chapitre se doit d'évoquer en premier le plus ancien cépage reconnu en Savoie : la Vitis Allobrogica que les Romains avaient trouvé à leur arrivée en 120 av. J.C. Ce raisin rouge à la maturité tardive cité par Pline l'Ancien et Columelle, était adapté à l'altitude et au climat local. Le médecin Celse la recommandait pour certaines affections de l'estomac. Hélas aucun auteur antique ne nous donne les clefs nécessaires à l'identification complète de l'Allobrogica et les ampélographes modernes ne savent pas précisément à quel cépage actuel la rapprocher, plusieurs hypothèses ont cours :

- José Vouillamoz cite l'hypothèse (la plus plausible ?) de Jacques André (linguiste) et Louis Levadoux (ampélographe) : "à l'époque romaine, l'Allobrogica était constituée d'une population de "proto-Mondeuse" qui aurait par la suite donné naissance à la Mondeuse noire et à la Syrah. Ainsi certaines caractéristiques de l'Allobrogica auront été conservées au fil des générations, tandis que d'autres auront été perdues". On peut donc l'apparenter à notre Mondeuse pour sa capacité à mûrir tardivement aux premières gelées et aussi reconnaitre en elle l'ancêtre de cépages qui prospèrent aujourd'hui dans la vallée du Rhône (Côte-Rôtie). On n'a hélas aucune preuve de l'existence d'établissements viticoles dont Plutarque et Pline font état dans les environs de Vienne. Cette cité ne constituant probablement que le débouché commercial des produits de son arrière pays.
- elle est aussi comparée au Pinot noir.
- autre hypothèse : le terme Allobrogica ne désignait pas dans l'Antiquité une variété précise de vigne mais plutôt le vignoble allobroge au sens large.

Pline pensait que le goût de résine qui caractérisait le vin des Allobroges était dû aux forêts de sapins qui entouraient le vignoble, Columelle qui avait étudié la fabrication du vin ne fit pas cette erreur et décrivit les procédés employés à l'époque pour aromatiser les vins avec de la résine (corticata).
Ces vins poissés étaient très recherchés à Rome où on les transportait dans des outres enduites d'huile ou de cire, et ils étaient réservés aux banquets des notables. Caton avoue même avoir de gros bénéfices en imitant les vins d'Allobrogie avec des vins de la campagne romaine.

Altesse

 

"Quand viendra le moment de me descendre au tombeau
rejoindre mes aïeux sous leur dalle de pierre,
amis, si vous m'aimez, ne vous servez pas d'eau
mais bien de ce vin là pour asperger ma bière. "

Jean Dulaud

Synonymes : Roussette, Roussette de Montagnieu, Roussette Haute, Fusette d'Ambérieu, Mâconnais, Prin blanc, Ignan blanc ...

Origine : les traditions sont multiples. Elles rapportent que les premiers plants auraient été ramenés de Byzance en 1367 par Amédée VI, ou en 1432 dans la dot d'Anne de Chypre mariée à Louis II de Savoie. La légende est belle, mais l'analyse de l'ADN de l'Altesse prouve qu'elle n'a pas une origine orientale, pas plus qu'elle n'est apparentée au Furmin (Tokay de Hongrie) cher à Pierre Galet. Des analyses plus poussées confirmeront (ou non) une parentée avec le Chasselas.
Le terme Altesse vient peut-être de l'expression "coteau des altesses" c'est à dire des gradins, des vignes étagées où l'on cultivait ce cépage. Il semble que les premiers titres de noblesse de ce cépage éminemment savoyard remontent au XVIème siècle à Lucey sur les flancs de la montagne du Chat. Ce vignoble prendra le nom de Marestel en 1563.

Aire de culture : l'Altesse intéresse 50 % des surfaces viticoles de l'Ain, 9 % de la Haute-Savoie et 6 % de la Savoie. On la trouve dans la région de Yenne, de Lucey, de Jongieux, de Chautagne, de la cluse de Chambéry, de la combe de Savoie, de la vallée des Usses et sur la rive droite du Rhône. La Roussette représente 9% de la production des vins blancs de Savoie (hors appellation Seyssel).

Caractéristiques : cépage vigoureux à sarments étalés. Jeunes feuilles avec des poils couchés blancs, très bronzées. Feuilles adultes assez grandes, brillantes, faiblement bulbées. Sinus latéraux supérieurs et inférieurs peu profonds. Sinus pétiolaire ouvert en forme de U. Point pétiolaire rouge. Dents en scie et ogivale. Grappes petites à moyennes, cylindriques, compactes, souvent épaulées. Baies peu serrées de couleur jaune- vert, rondes ou légèrement ovoïdes. Pellicule épaisse, rosée à pleine maturité.
Débourrement moyennement précoce, maturité moyennement tardive. Sensible au gel. Croissance vigoureuse. Très sensible au botrytis, au mildiou et à l'excoriose, résistant à l'oïdium.
Les sols préférés sont les marnes argileuses et calcaires. Rendement faible qui doit être compris entre 59 et 68 hl/ha dans l'appellation Roussette de Savoie, et 53 et 62 hl/ha dans l'appellation Roussette de Savoie suivie d'un nom de cru.

Clones agréés : 265-403-404. Origine vignoble de Jongieux.

 

Crus savoyards : Frangy, Monthoux, Marestel et Monterminod qui sont plus secs, Seyssel en vin tranquille et 10 % de la composition du Seyssel mousseux (90% de Molette).

Vin : il ne doit pas dépasser 13°. Il est généralement sec, avec du corps, épicé, complexe généreux et racé. Fines saveurs de noisette, de bergamote, de miel et d'amande douce. Nez riche en senteurs de violette. Le vin est apte au vieillissement.

Chardonnay

 

Le nom Chardonnay est emprunté à une localité viticole de Saône et Loire.

Le Chardonnay appartient à la famille des Pinots, la plus répandue dans le monde. Il est souvent confondu avec le Pinot Blanc. C'est le cépage de base du Champagne. Il est peu propice comme raisin de table.

Synonymes : Chardonnet avant le XXème siècle, Petite Sainte-Marie, Beaunois, Auxerrois, Blanc de Champagne, Pinot Blanc Chardonnay ...

Origine : on dit qu'il a été importé en France par les Croisés, puis répandu en Bourgogne par les Bénédictins. Son ADN montre en fait qu'il est issu d'un croisement entre le Pinot et le Gouais. On reconnaît la valeur de ce cépage vers 1850. En 1958 c'est Galet qui attribue au Chardonnay sa caractéristique unique : le sinus pétiolaire dégarni, il le sépare ainsi du Pinot Blanc et le classe comme cépage propre.

Aire de culture : il est cultivé avec plus ou moins de bonheur dans presque tous les pays viticoles de la planète. 20000 ha en France : Bourgogne, Champagne, Alsace, Mâconnais, Côte d'Or (Montrachet), Chablis.
On peut le trouver un peu partout sur les coteaux de Savoie où il occupe 2 % du vignoble.

 

Caractéristiques : différences par rapport au Pinot Blanc : feuilles d'un vert plus foncé, plus lisses, moins bullées. Sinus pétiolaire en U ouvert, limité par les nervures et non pas par le limbe. Grappes généralement plus petites. Baies petites, jaune à jaune d'or. Jus abondant, très sucré.

Le greffage est facile ; le Chardonnay demande une taille longue ; il est sensible au millerandage, à l'oïdium et au botrytis des baies mais assez facile à défendre contre le mildiou et la pourriture. Rendement généralement moins important qui doit être compris entre 67 et 78 hl/ha.

Clones agréés : 75 - 76 - 77 - 78 - 95 - 96 - 116 - 117 - 118 - 119 - 121 - 122 - 124 - 125 - 128 - 130 - 131 - 132 - 277 - 352 - 414 - 415 - 548 - 549 - 809.

Crus savoyards : le Chardonnay est cultivé dans la quasi totalité du terroir savoyard sans donner aucun cru particulier.

Vin : si la maturité est insuffisante, le vin est mince et herbacé. A maturité, le vin est vif, distingué, solide, titrant au maximum 13°, de longue conservation, avec un goût fruité et une acidité marquée, d'où la fermentation malolactique et l'élevage en fût de bois.
La diversité des vins permet de les servir avec des terrines, des poissons, des moules, des rôtis ou des fromages.

Chasselas

"Chasselas naturel, il revient au goulot. "

Vincent Rocca

Le nom Chasselas a été probablement emprunté à une localité viticole de Saône et Loire.

Synonymes : Fendant, Bon Blanc, Crépy, Greffoux, Lardé, Blanchette ...

Diverses variétés : Chasselas doré, rouge, rose, violet, cioutat. Ces variations de couleur seraient dues à des différences de culture, d'ensoleillement, de sol, etc. Le Chasselas donne aussi des raisins de table savoureux (A.O.C. Moissac).

Origine : le grand nombre de formes du Chasselas indique l'ancienneté d'un cépage dont l'origine est, d'après P Galet, "
très obscure et fort controversée". Au delà des habituelles légendes sur l'origine des cépages (les Croisades, l'oasis du Fayoum en Egypte, la Treille du Roy à Fontainebleau...), il semble raisonnable de penser que ce cépage est né dans l'Arc Lémanique, plus probablement dans le canton de Vaud (CH).

Aire de culture : le Chasselas n'est présent qu'en Haute-Savoie où il occupe 70% du vignoble notamment dans le Bas-Chablais et sur le pourtour du Léman. On notera que sur la rive suisse du lac Léman le Chasselas s'exprime merveilleusement dans les fameux Perlants (Genevois), Fendants (Valais) et autres Dorins (Vaud).

Caractéristiques : Ce cépage est nommé Fendant en Suisse parce que sa baie se fend sous la pression des doigts. Bourgeonnement d'un rougeâtre remarquable, glabre. Vrilles particulièrement grandes, rougeâtres. Feuilles de taille moyenne, vert clair, nervures rouges, glabres, cinq lobes profondément découpés, limbes avec des dents nettement en scie (moins que le Muscat). Sinus pétiolaire en forme de V, fermé. Grappes, nombreuses, assez grandes, allongées, lâches (raisin de table) et légèrement épaulées. Baies grandes, rondes, jaune vert, face tournée au soleil brunâtre. Pellicule mince mais ferme, goût juteux, craquant, sucré.

Le Chasselas est un cépage précoce et très productif, il reprend bien au greffage. Conditions optimales de culture dans un sol fertile, protégé du vent. Il est souvent menacé par les gels tardifs, car les bourgeons secondaires sont peu fertiles. De vigueur moyenne, il est sensible aux maladies, notamment au péronospora, au black rot, à l'oïdium et au dessèchement de la rafle, mais résiste bien au botrytis et au mildiou. Maturité moyennement précoce, bon rendement compris entre 65 et 75 hl/ha.

Clones agréés : 60-110-158.

 

Crus savoyards : planté sur tout le pourtour du lac Léman, le chasselas donne sur sa rive haut-savoyarde des crus anciens et réputés : le Crépy, le Marin, le Marignan et le Ripaille.

Vin : vins très fins qui ne doivent pas excéder 12,5° d'alcool, légers dans leur jeunesse qui deviennent virils par la suite. Odeur d'aubépine et saveur de noisette, digestes, avec peu d'acidité. Accompagnent les poissons, les viandes blanches ou l'inévitable fondue savoyarde.

Gringet

 

L'origine du nom Gringet est inconnue.

Synonymes : Roussette basse ...

Origine : La tradition voudrait qu'il ait été rapporté d'Italie au Moyen Âge par des évêques, ou qu'il soit un cépage autochtone issu de l'adaptation d'un Traminer (bonjour aux vignerons Alsaciens) lui-même de la famille des Savagnins Jaunes (bonjour aux vignerons du Jura et du Valais en Suisse). De récents travaux autour de son ADN le présentent comme un cépage unique purement savoyard peut-être cousin de la Molette.

Aire de culture : le Gringet occupe 11 % du vignoble haut-savoyard, il est cultivé dans la vallée de l'Arve, notamment sur les communes d'Ayze et de Marignier.

Caractéristiques : cep vigoureux, feuilles petites, arrondies, souvent plus larges que longues, généralement trilobées. Surface foliaire bullée, peu recouverte de poils couchés, face intérieure fortement tomenteuse. Grappes petites à moyennes, ramassées, compactes. Baies petites, rondes à allongées, pellicule épaisse vert ambré, saveur fine.
Le Gringet est assez exigeant quant au sol et au site, il a besoin de terres fortes, argileuses.
Maturité tardive, rendement faible
, compris entre 67 et 78 hl/ha pour l'Ayze mousseux.

Clone agréé : 947.

Crus savoyards : un seul l'Ayze. Le Gringet donne aussi des vins tranquilles surprenants et agréables.

 

Vin : l'Ayze pétillant ne doit pas excéder 12,5°. C'est un vin qui peut être assez déconcertant pour des palais non avertis : il "râpe" un peu la bouche, mais sa rudesse a tendance à s'assouplir avec l'âge. Il est caractérisé par des arômes de pêche blanche et des senteurs de jasmin. L'amateur averti retrouvera certains arômes des vins du Jura.
Bu sans modération ce vin pétillant peut se montrer impitoyable au réveil.

Jacquère

 

Selon Viala et Vermorel, le nom Jacquère serait celui du vigneron qui l'aurait importé en Savoie au XIIIème siècle. Cette hypothèse n'a pas été vérifiée.

Synonymes : Plant des Abymes, Jacquière, Giboudot blanc, Martin Col Blanc, Robinet, Coufe-Chien ...

Origine : l'origine de la Jacquère n'est pas clairement déterminée, il semble qu'elle soit issue d'un croisement entre le Gouais et un autre cépage encore non identifié. On parle déjà d'elle dans les chroniques qui relatent l'effondrement du Mont Granier en 1248. Elle sera connue comme le "Raisin des Abîmes" (cité par P. Tochon). C'est le principal des cépages du département de la Savoie depuis plus d'un siècle.

Aire de culture : la Jacquère a su profiter du réencépagement après la crise phylloxérique, ainsi la surface cultivée en Jacquère représente 55 % du vignoble savoyard et 92 % dans l'Isère toute proche : près de 900 ha sont cultivés dans la cluse de Chambéry et la combe de Savoie. La Jacquère est également présente dans quelques régions du Portugal.

Caractéristiques : comme la Mondeuse la Jacquère est bien adaptée au climat local. C'est un plant dit de deuxième époque, c'est-à-dire à mûrissement relativement tardif. Il est assez productif. Le cep est vigoureux, les feuilles sont grandes, un peu gaufrées à trois ou cinq lobes.

Le sinus pétiolaire est ouvert, la denture est large. La grappe de taille moyenne est constituée de grains sphériques serrés qui s'ornent de nuances roses et bronze à maturité. Ce cépage est très productif, son rendement est fixé entre 67 et 78 hl/ha pour les A.O.C., et 65 et 75 hl/ha pour les A.O.C. suivis d'un nom de cru.
La Jacquère est très sensible au black rot mais se défend assez bien contre le mildiou et l'oïdium.

Clones agréés : 529-658-769-788-923.

Crus savoyards : Abymes, Apremont, Chignin, Cruet, St-Jeoire-Prieuré.

 

Vin : "c'est le vin qui vous laisse la tête libre après vous avoir fauché les jambes" a dit de lui Henri Bordeaux. La Jacquère donne des vins qui titrent au maximum 12°, ils sont sujets à l'oxydation, il faut donc les boire jeunes car ils peuvent madériser assez rapidement. Il existe cependant des exceptions qui méritent d'être notées : nous avons pu boire un Chignin d'une trentaine d'années qui était resté très fringant.
Très diurétique, "
où on le boit, on le pisse". Les vins sont perlants s'ils ont été mis en bouteilles sur lies fines.

Malvoisie

Synonymes : Pinot gris, Tokay d'Alsace (appellation aujourd'hui interdite car réservée aux seuls vins de Hongrie) ...

Origine : c'est le cépage de la discorde : Malvoisie, Velteliner, Pinot gris ? Même combat ? Sans doute oui, car le terme Malvoisie correspond plus à une famille de cépages plutôt qu'à un cépage particulier. Il est pour l'intant impossible d'en préciser l'origine avec certitude : vient-il de Grèce, ou est-il le fruit d'une mutation sélectionnée du Pinot noir en Bourgogne ? L'ADN parlera.
Quoi qu'il en soit, il est admis aujourd'hui que le Malvoisie cultivé en Savoie est un Pinot gris.

Aire de culture : le Malvoisie est principalement cultivé dans la combe de Savoie par quelques rares producteurs qui peuvent nous réserver de bien agréables surprises.

Caractéristiques : Il est difficile à distinguer des Pinots noirs et blancs avant maturité des fruits. Grappes rouges-gris à rouge-bleu selon la maturité, de taille moyenne, cylindriques épaulées. Les baies sont rondes à allongées, tassées, la pellicule est mince. Le Malvoisie est peu sensible aux maladies et au gel mais sensible au botrytis. Le raisin est extrêmement sucré et excite souvent la convoitise des abeilles et des guêpes.

 

Clones agréés : 52-53-457.

Vin : d'une grande finesse, très alcoolisé, capiteux et corsé avec des arômes de mirabelle, il peut aisément vieillir. On peut regretter que ce cépage ait quasiment disparu de nos vignobles, au contraire de nos voisins Valaisans et Valdôtains qui savent en tirer la meilleure expression, notamment en vendange tardive.

Molette

 

Le nom de Molette viendrait du savoyard "molèta" dérivé de mol, à cause du caratère tendre de ses baies.

Synonymes : Molette blanche de Seyssel, Cacabois ...

Origine : certains lui trouvent une ressemblance avec la Marsanne de la vallée du Rhône, y-a-t-il lien de parenté ?

Aire de culture : limitée à la région de Seyssel où elle occupe 17 % des surfaces.

 

Caractéristiques : la Molette a été autrefois confondue avec la Mondeuse blanche. C'est un cépage rustique assez vigoureux et productif, de maturité tardive. Il est peu sensible au gel, à la coulure et aux maladies cryptogamiques. Feuilles et grappes de taille moyenne, feuilles presque rondes. Sinus pétiolaire peu ouvert. Bon rendement.

Clone agréé : 1039.

Crus savoyards : la Molette entre dans la composition de l'A.O.C. Seyssel mousseux avec la complicité de 10 % d'Altesse. Vinifiée en vin tranquille elle donne un vin d'Allobrogie qu'il est question de classer prochaînement en A.O.C.

Vin : la Molette donne un vin blanc clair, assez alcoolique (bon potentiel en sucre), léger, un peu herbacé et très fruité.

Mondeuse Blanche

 

On n'est pas d'accord sur l'origine du nom Mondeuse. Les uns pensent qu'il vient du savoyard "moduse" ou "mandousa" "espèce de raisin qui rend beaucoup de moût". Les autres disent qu'il dérive d'un terme de Suisse romande qui signifie "plant de vigne dont les feuilles tombaient avant la vendange".

On manque d'informations sur ce cépage, Pierre Tochon dit qu'elle est "un plant isolé en Savoie, qui, ici pas plus qu'ailleurs, n'a formé de famille", il lui reconnaît cependant des qualités incontestables. L'analyse de son ADN révèle que la Mondeuse blanche est un des géniteurs de la Syrah en ayant été croisée avec la Dureza (Ardèche).
La Mondeuse blanche n'est pas la forme blanche de la Mondeuse noire, pas plus qu'elle ne doit être confondue avec la Roussette d'Ayze, ni avec la Molette. On pense que ce cépage se dénomme ainsi car il était autrefois planté en foule avec la Mondeuse Rouge, on pouvait alors incorporer quelques pourcentages du cépage blanc pour "arrondir" les tanins du cépage rouge. Ce cépage est aussi cultivé dans le Bugey.

Synonymes : donjin en Savoie, dongine dans l'Ain.

Aire de culture : la Mondeuse blanche n'est cultivée que par de rares producteurs et il faut bien reconnaître que les résultats sont inégaux. On a notamment entendu à propos de l'une : "plus plate, elle ferait creux !" On peut la trouver en Combe de Savoie et dans la cluse de Chambéry où de plus en plus de vignerons sont séduits par ses qualités.

 

Caractéristiques : le cep est moins vigoureux que celui de la Mondeuse rouge. Les feuilles sont vert pâle, de taille moyenne, les cinq lobes sont très découpés, le sinus pétiolaire est largement ouvert, dentelure fine et régulière. Le bourgeonnement est tardif. La grappe est sphérique et ailée, régulière, allongée. Les grains sont ovoïdes, de couleur vert doré à maturité.

Vin : c'est un vin blanc complexe qui peut titrer plus de 12°, ample, moyennement acide et racé.

Roussanne

 

Le nom Roussanne vient du franco-provençal "rossana", raisin que l'exposition au soleil a rendu de couleur rousse.

Synonymes : Bergeron, Barbin ...

Origine : si l'on ne connaît pas son origine exacte (probablement la vallée du Rhône), il est certain que son introduction en Savoie est très ancienne. La Roussanne donne dans la vallée du Rhône les rares vins blancs d'Hermitage et de Châteauneuf-du-Pape.

Aire de culture : cluse de Chambéry, particulièrement à Chignin.

Chignin. Le vignoble de Torméry

Caractéristiques :"Elle demande deux fois plus de temps et deux fois plus de soins" selon un de ses plus éminents producteurs. La Roussanne est un cépage très peu productif à maturité tardive, très sensible à la pourriture grise. Le cep est vigoureux, la feuille aux dents arrondies est moyenne aux lobes bien marqués, de couleur vert grisâtre. La grappe est moyenne, les grains sont sphériques, eux-aussi de taille moyenne et de couleur dorée tachée de rouille, pain d'épice à pleine maturité.
La production est presque confidentielle (3231 hectolitres en 2002). Le rendement doit être compris entre 62 et 72 hl/ha.

Clones agréés : 467-468-469-522.

 

Cru savoyard : un seul, le célèbre et fameux Chignin-Bergeron.

Vin : le Bergeron titre facilement 12° à 13°. C'est un vin de fête ample, moelleux et assez complexe, pour peu qu'on lui laisse le temps de s'épanouir en cave car il est peu sensible à la madérisation. On lui connaît des arômes floraux et fruités de miel, d'aubépine, d'abricot et de noisette.

Gamay

 

Synonymes : Gamay noir ...

Origine : si Gamay est le nom d'un village bourguignon situé entre Meursault et Santenay il n'a probablement pas donné son nom au fameux cépage dont l'origine est difficile à certifier : certains auteurs la situent dans le Beaujolais quand d'autres affirment que le Gamay était cultivé en Galles du sud-est avant l'occupation romaine...

Aire de culture : le Gamay est cultivé principalement en Bourgogne, dans le Beaujolais, dans la Loire et en Auvergne. Il est probable qu'il n'a été introduit en Savoie qu'après la crise phylloxérique. Grâce à sa grande faculté d'adaptation il couvre aujourd'hui 18 % de la surface du vignoble savoyard, 14 % de celui de l'Ain et 5 % de l'Isère, c'est le cépage rouge dominant.

Caractéristiques : plant peu vigoureux mais fertile, à sarments érigés. Les feuilles en dents de scie sont de taille moyenne, lisses et planes, de couleur vert clair qui rougit partiellement en automne. Le sinus pétiolaire en forme de V est ouvert. Les grappes sont nombreuses, elles aussi de taille moyenne, cylindriques et compactes

Les grains moyens, légèrement allongés, de couleur violet-bleu presque noir avec un film cireux. La pellicule est mince, la pulpe est juteuse. De maturité précoce le Gamay a un bon rendement, même s'il est assez sensible à toutes les maladies de la vigne. Sa teneur en alcool avoisine naturellement les 11°.
Le rendement est fixé entre 62 et 72 hl/ha pour les A.O.C., et 60 et 69 pour les A.O.C. suivis d'un nom de cru.

 

Clones agréés : 102 - 105 - 106 - 160 - 166 - 167 - 222 - 282 - 283 - 284 - 285 - 355 - 356 - 357 - 358 - 359 - 426 - 427 - 428 - 488 - 489 - 490 - 509 - 510 - 511 - 512 - 564 - 565 - 615 - 616 - 656 - 657 - 787.

Crus savoyards : s'il est présent dans la quasi totalité du vignoble savoyard, le Gamay est reconnu principalement dans deux crus : à Jongieux et en Chautagne.

Vin : titrant au maximum 13°, les vins sont en général pourpre clair, pauvres en tanins, frais avec des arômes caractéristiques fruités de fruits rouges et un nez de rose fanée. On est souvent plus sensible "au charme de sa fraîcheur juvénile qu'au bouquet qu'il pourrait élaborer au fil des ans", il est vrai qu'il est moins propice au vieillissement que la Mondeuse.
Le Gamay peut également être élaboré en un rosé au parfum léger qui pourrait tenir tête à nombre de rosés méridionaux.
Quelques vignerons travaillent aujourd'hui une petite partie de leur Gamay en un vin de dessert, rosé et pétillant, surprenant de fruité et de fraîcheur, qui rappelle heureusement aux amateurs les vins de Cerdon.

Mondeuse

"La Mondeuse est un excellent cépage, que la Savoie doit conserver avec le plus grand soin".

Docteur Jules Guyot

On n'est pas d'accord sur l'origine du nom Mondeuse. Les uns pensent qu'il vient du savoyard "moduse" ou "mandousa" "espèce de raisin qui rend beaucoup de moût". Les autres disent qu'il dérive d'un terme de Suisse romande qui signifie "plant de vigne dont les feuilles tombaient avant la vendange".

Synonymes : Bon-Savoyan, Savoyen, Maldoux (Jura), Persaigne (Ain), Mandouze, Molette noire, Tournarin, Gros Plant. Surnommée dans la vallée de la Rochette "la mère du vin".

Origine : la Mondeuse est un cépage autochtone historique de la Savoie (cf.Vitis Allobrogica). Elle est apprentée génétiquement à la Syrah (mère, grand-mère, cousine ?). A la veille de la crise phylloxérique, elle couvrait plus de la moitié du vignoble savoyard. Après avoir failli disparaître elle recouvre aujourd'hui une certaine notoriété et conteste le premier rang commercial du Gamay.

Aire de culture : si son berceau est sans conteste la Savoie, on la retrouve sous d'autres noms dans l'Isère, l'Ain et le Jura. La Mondeuse est cultivée en Californie et en Oregon sous le nom de Refosco, sans avoir aucun lien avec le Refosco italien ; comprenne qui pourra. Il semble que la Mondeuse soit également présente en Italie sur les pentes de l'Etna, en Suisse, en Argentine, en Australie et en Nouvelle-Zélande.

La Mondeuse est cultivée tout particulièrement dans la Combe de Savoie où elle représente 10 % du vignoble. Elle donne sa meilleure expression dans les crus Arbin et Saint-Jean-de-la-Porte ; on peut aussi la trouver sur la quasi totalité des terroirs savoyards. En 1996 la surface plantée en Mondeuse est en pleine progression et avoisine les 220 ha.

Caractéristiques : cep vigoureux ; grandes feuilles à cinq lobes, plus longues que larges. Grappe assez grande, pyramidale et allongée ; grains de taille moyenne, sphériques inégaux, peu serrés, de couleur noir bleuté.
Ce cépage vigoureux et productif est particulièrement bien adapté à nos climats de montagne, ce qui explique sans doute qu'on ne le retrouve pas ailleurs en France. Il s'accommode particulièrement bien dans les éboulis calcaires et les terrains schisteux. Il se greffe facilement. S'il est facile à défendre contre le mildiou, il résiste mal à l'oïdium.
Le rendement est fixé entre 62 et 72 hl/ha pour les A.O.C., et 60 et 69 hl/ha pour les A.O.C. suivis d'un nom de cru.

 

 

Clones agréés : 368-821-822-926.

Crus savoyards : la Mondeuse s'exprime dans toute sa puissance dans les crus d'Arbin et de Saint-Jean-de-la-Porte reconnaissable par son côté "poivré". Certains puristes n'apprécient pas toujours son passage en fûts de chêne et les discussions peuvent être vives dans les caves.

Vin : C'est toujours le Dr Guyot qui, en 1863, nous donne son sentiment sur la Mondeuse : "Le cépage de Mondeuse est admirable pour les qualités hygiéniques de son vin, pour l'intensité et l'agrément de son bouquet, et pour le velouté et la plénitude de sa saveur".
Il y a quelques années, la Mondeuse a effarouché nombre de palais non avertis. Elle était alors vinifiée sans égrappage et pouvait subir une cuvaison de plus de quinze jours. Heureusement les méthodes ont changé et la Mondeuse sait aujourd'hui ravir une foule croissante d'admirateurs. Henri Bordeaux la décrit joliment comme "
un vin au ton pourpre, au bouquet subtil de fleur d'automne, qui rappelle ces belles journées dont on craint la fragilité ".
C'est un vin très typé, aromatique qui titre au maximum 12,5°, son astringence peut surprendre. La mondeuse est bien pourvue en arômes : fruits rouges très caractéristiques et variables selon l'âge, senteurs de violette. Ce vin ne dévoilera ses saveurs et ses senteurs complexes qu'au dégustateur patient, "
on y verra la logique des vins d'altitude".

Quelques rares producteurs élaborent la Mondeuse en rosé, cela donne un rosé atypique et fort plaisant, aux arômes de petits fruits rouges, de romarin et de violette. A conseiller à tous ceux qui en ont assez des rosés passe-partout.

Persan

 

Selon le Chanoine A. Gros, le nom Princens (qui donnera Persan) viendrait du mot "prin" qui en patois et en vieux français signifie premier, et du mot "cens" qui signifiait la redevance perçue par les seigneurs pour l'utilisation d'une terre. Princens désignerait donc des terres de première qualité à propos desquelles on devait payer l'impôt le plus élevé. Cette étymologie est cependant contestée.

Synonymes : Princens, Becuette, Petit-Becquet, Posse de chèvre ...

Origine : ce cépage très ancien en Savoie était aussi réputé que la Mondeuse avant la Seconde Guerre mondiale. En 1863, le Docteur Guyot émettait l'hypothèse que le Persan serait un Pinot transformé par le sol et le climat de la Savoie.

Aire de culture : on en cultivait (entre Isère et Savoie) 201 hectares en 1958 contre 3 hectares en 1994. Le Persan qui a régné sans partage sur la vallée de la Maurienne (on aurait identifié son berceau à Hermillon) n'a malheureusement pas résisté à la crise phylloxérique, ni à la forte industrialisation de l'après-guerre. Aujourd'hui il subsiste péniblement dans la combe de Savoie et en basse Tarentaise chez quelques vignerons qui tentent avec bonheur de lui redonner ses lettres de noblesse.

Caractéristiques : cep au bois dur, feuilles vert foncé de taille moyenne, rondes à trois lobes. Sinus pétiolaire ouvert en V. La grappe est conique de taille moyenne. Les grains de forme olivoïde sont assez fermes, la peau est résistante mais a tendance à flétrir pendant la maturation. Le persan est très sensible à l'oïdium et au mildiou. La maturité un peu tardive du Persan l'expose aux gelées de printemps, bon rendement.

 
Vin : le Persan donne un vin tannique, riche en bouquet, qui titre naturellement en alcool mais ne peut excéder 12,5°.
Ce vin ne se livre pas immédiatement et il faut avoir la patience d'attendre plusieurs années pour qu'il s'affine et perde âpreté, acidité et astringence. On parlait autrefois d'une période de 15 à 20 ans avant de le déguster ! Il est permis de penser que les méthodes modernes de vinification ont réduit ce temps de maturation.

En 1931 le Docteur Paul Ramain écrit dans son livre "Les Grands Vins de France" : "Le Princens Rocheray est à mon avis le plus grand vin rouge de Savoie (…). Riche en bouquet, stimulant, corsé (12°), de haute garde, très velouté, faisant "la queue de paon dans le gosier" avec un violent et persistant parfum de framboise (Clos de Rocheray) ou de violette (Clos des Petites-Ripes et de Bonne Nouvelle), il reste cinq ans, en fût dans une cave très froide et ne se boit qu'à l'âge de 15 ou 20 ans. Vraiment ce vin qui ne ressemble à aucun autre vin fin de France est digne d'une table princière et d'un palais gastronomique des plus avertis !"

Aujourd'hui le persan est de retour en Maurienne du côté d'Hermillon et de St Jean de Maurienne dans des expériences dont les minutes seront comptées sur VdS. L'aventure promet d'être intéressante car nous avons dégusté (décembre 2008) un magnifique Persan 2006, récolté à 1000 mètres d'altitude du coté d'Orelle et qui ne titrait pas moins de 13,5° !

Pinot

 

Le nom Pinot est probablement dérivé de "pomme de "pin" à cause de la forme de sa grappe

Synonymes : Pinot noir de Bourgogne, Auvergnat, Bourguignon noir, Cortaillod ...

Origine : il existe une famille complète et complexe de Pinot : le Pinot blanc, le Pinot gris (voir Malvoisie), le Pinot Meunier. Il est probable que ce cépage proche des vignes sauvages de l'ouest de l'Europe, a été sélectionné et cultivé dès l'occupation romaine. Le Pinot noir a été introduit en Savoie après la Seconde Guerre mondiale où il s'est très bien acclimaté.

Aire de culture : il entre dans la composition d'une grande variété de vins français comme le Crémant d'Alsace, le Sancerre rouge, le Bourgogne Passetoutgrains ou le Bouzy.
Le Pinot occupe une place réduite en Savoie (4 %), on le trouve en Chautagne, dans la Cluse de Chambéry et la combe de Savoie.

Caractéristiques : cep vigoureux, sarments grêles, feuilles de taille moyenne, peu découpées, parfois trilobées, de couleur vert foncé. Sinus pétiolaire en V. Grappes moyennes, denses, rarement épaulées. Grains ronds à ovale, bleu foncé, fortement pruinés bleu-gris, pellicule mince. Le Pinot est très sensible au botrytis et au court-noué, il débourre précocement et sa maturité est de première époque.

Son rendement est fixé entre 62 et 72 hl/ha pour les A.O.C., et 60 et 69 pour les A.O.C. suivis d'un nom de cru.

Clones agréés : 111 - 112 - 113 - 114 - 115 - 162 - 163 - 164 - 165 - 236 - 292 - 372 - 373 - 374 - 375 - 386 - 388 - 389 - 459 - 460 - 461 - 462 - 521 - 528 - 583 - 617 - 665 - 666 - 667 - 668 - 743 - 777 - 778 - 779 - 780 - 792 - 828 - 829 - 870 - 871 - 872 - 927 - 943.

Crus savoyards : le Pinot est principalement reconnu dans les crus de Chautagne et de Jongieux.

Vin : bien charpenté, complexe, corsé et chaleureux, d'un rouge rubis profond, arôme très fin de framboise, nez floral très charpenté. Il peut titrer de 11,5° à 13°. Le Pinot peut se conserver longtemps et procurer de belles surprises.

Autres cépages

 

Ces cépages n'entrent pas dans la composition d'une Appellation d'Origine Contrôlée, mais méritent que l'on dise quelques mots de leur personnalité.

Gouais

 

Nous avons eu la chance de découvrir quelques très anciens plants de ce cépage à Marin sur les hauteurs du lac Léman. Les pieds avaient été plantés avant la crise phylloxérique à la base de troncs de chataîgniers pour faire les fameuses crosses de Marin.

Synonymes : Gouche blanche ou Guy blanc de la Tarentaise...

De récentes analyses ADN ont montré que ce cépage appelé Weisser Heunisch en Allemagne, avait en réalité été très fréquemment utilisé dans des croisements, sans doute en raison de sa vaste prolifération passée et de sa sécurité de rendement. Sa descendance est prestigieuse et se nomme Riesling, Elbling, Räuschling, Silvaner, Aligoté et Chardonnay du côté blanc. Dans la lignée rouge, on est surpris de trouver les cépages Cabernet Sauvignon, Gamay, Syrah et Zinfandel alias Primitivo, ou encore le Blauer Scheuchner. Le Gouais est bien comme le dit José Vouillamoz le "Casanova des cépages" !

Les informations que nous avons pu obtenir concernant ce cépage rare en Savoie, ont été puisées dans la précieuse monographie de Pierre Tochon. Il décrit la feuille comme grande, glabre et presque lisse. Léger duvet aranéeux, peu compact, pileux sur les nervures ; sinus supérieurs marqués, secondaires nuls, celui du pétiole peu ouvert ou presque fermé ; pétiole assez long, fort et glabre ; denture inégale un peu large.
Grappe sur-moyenne, cônico-cylindrique, ailée ; grain sur-moyen, globuleux.

Chair molle et juteuse, un peu sucrée, à saveur simple un peu astringente. Peau un peu mince, d'un vert jaunâtre à l'exposition du soleil, 2ème époque de maturité. Sarment vigoureux et très fertile.

Vin : la réputation du Gouais est médiocre depuis le Moyen-âge. C'est sans doute le manque de qualité de son vin qui explique sa disparition progressive.
Nous avons pu goûter une bouteille de ce vin léger, finement perlant car élevé sur lies. Goûts d'agrumes. Un vin de soif en quelque sorte.

Blanc de Maurienne, Rèze

 

Origine : On ne connait pas formellement l'origine de ce cépage qui a été un temps rappoché de la famille du Riesling, ce qui a été démenti. L'hypothèse la plus plausible serait que la Rèze soit un descendant du Prié valdôtain, importé par le col du Grand-Saint-Bernard.
De récents tests ADN l'ont déterminée comme génitrice d'autres cépages alpins comme la Diolle, la Grosse Arvine, le Cascarolo Bianco, le Groppello ddi Revo et la Nosiola.

On trouve une première trace écrite sur la Rèze dans Registrum cancellarie sedunensis de Vercorens de Anivesio 1288-1314 un registre d'actes du Val d'Anniviers, ce qui en fait un des plus anciens cépages cultivés dans le Valais. Pendant des siècles, la Rèze fut un cépage dominant en Valais, elle a considérablement régressé depuis pour n'occuper que 21,285 ha en 2008.
On ne dispose pas d'archives explicites sur la présence de la Rèze en Maurienne. Le rapprochement entre la Rèze et le Blanc de Maurienne est très récent.

Aire de culture : La Rèze est cultivée dans le Valais Suisse. Elle a retrouvé depuis peu son terroir ancestral de Maurienne.

Synonymes : Mauvaise rèze, Petite rèze, Raise, Räsi, Ressi, Blanc des Evêques, Blanc de Maurienne.

Description : Grappes de taille moyenne, simples et lâches. Baies de taille moyenne, jaunes ou légérement rosées. Feuilles de taille moyenne, fortement découpées. Sinus pétiolaire assez large en U ou en V.

Vin : La Rèze était autrefois utilisée pour la fabrication du mythique" Vin des Glaciers", vin oxydatif créé par l'adjonction dans des fûts de mélèze de chaque nouveau millésime aux précedents ; elle a été remplaceé par le Gutedel.
Ce cépage rustique a fini par disparaitre du Valais et de Savoie, remplacé par d'autres dont le potentiel de production et la qualité étaient supérieurs.
Dans le Valais, le vin tiré de la Rèze est âpre, acide, sec et riche en alcool. Il serait prématuré de décrire son expression savoyarde.

Douce-noire

 

Origine : inconnue. La Douce-Noire est reconnue depuis le 26 mai 2011 comme un synonyme officiel du Corbeau.

Aire de culture : avant la crise phylloxérique, la Douce-noire était cultivée dans une région comprise entre la Vallée de la Saône et celle de l'Isère, des rives du Rhône depuis sa sortie de Suisse jusqu'à la jonction avec l'Isère. En 1958 (année de son interdiction), la Douce-noire était le deuxième cépage le plus cultivé en Savoie, après lJacquère ; elle était plantée avec le Persan, la Mondeuse et en règle générale, elle était associée a d'autres cépages dans des proportions plus ou moins grandes et donnait d'après Pierre Tochon "aux vins d'Arbin et de Montmélian un caractère tout à fait spécial".
Aujourd'hui la Douce-noire a heureusement été réhabilitée sous le nom de Corbeau en 2007 et a finalement retrouvé son nom en 2011 (comme "synonyme utilisable"). Il ne reste plus qu'à "replanter des surfaces significatives pour faire revivre ce cépage oublié * ".

Malgré une traduction proche, la Douce-noire n'est pas le Dolcetto Nero italien.
La Douce-noire est cultivée sur le continent américain sous le nom de Charbono. Après un échange de courriels amicaux, un vigneron californien nous a fait parvenir une bouteille de sa production. Il fut bien difficile de la comparer avec les produits locaux, tant le climat (notammment l'ensoleillement) et les méthodes d'élevage du vin sont différents de ceux pratiqués sur le Vieux Continent et en Savoie plus particulièrement.

Synonymes : Corbeau, plant de Moirans dans le Rhône, Mauvais-noir, Provereau ou plant de Calerin dans l'Ain, plant de Montmélian, plant de Savoie, gros noir, plant de Chapareillan, Charbonneau ou Charbono en Savoie et enfin Batiollin à Albertville et plant Noir en Haute-Savoie.

Description : grappes moyennes en vigne basse et grosses en treillage, quelquefois ailées, cylindro-coniques, quelque peu compactes, pédoncules de moyenne longueur teintés de rouge côté exposé au soleil restant verts à l'ombre ; grains moyens , sphériques, peau épaisse assez résistante d'un beau noir foncé bien pruinée, chair ferme, douceâtre assez sucrée, juteuses. Vrilles longues et fortes, le feuillage rougit marginalement à l'automne.
Débourrement moyen. C'est un cépage à port semi-érigé, vigoureux, rustique, fertile mais à production irrégulière. Maturité première époque tardive.

Vin : peu alcoolique, sans personnalité vraiment affirmée. De récentes tentatives d'assemblages avec la Mondeuse et le Persan ont donné des résultats encourageants qui devraient inciter à la réintroduction de la Douce-noire dans nos contrées alpines.

* Terres des Savoie n°276. Avril 2012